Empathie, sympathie & compassion : quelles différences ?

Empathie, Sympathie, Compassion… Dans le langage courant, nous sommes nombreux à utiliser ces mots de manière indifférenciée sans en connaître le sens réel. Il est néanmoins pertinent de les distinguer afin d’en faire un usage adapté lorsque je parle de mes ressentis et de ma compréhension des rapports intra et interpersonnels.

l'empathie-BODEVELOPPEMENT

Or parce qu’elles se trouvent au confluent de la philosophie, de la psychologie, des religions, des neurosciences et de la sociologie, ces notions sont complexes à cerner, et donc à définir. Leurs significations ne cessent d’évoluer, et se révèle parfois même être contradictoires.
C’est pourquoi, à travers cet article, je vous propose une clarification de ces concepts sous l’angle de la psychologie, qui est au cœur de ma pratique professionnelle.

Qu’est-ce que l’empathie ?

Définition de l’empathie : reconnaissance et compréhension des émotions et des sentiments d’autrui.

Avoir de l’empathie pour quelqu’un ne veut pas dire approuver ce que l’autre ressent, c’est percevoir et comprendre ce qui l’affecte de son point de vue, de la joie à la tristesse. Une distance est gardée entre soi et l’état affectif de l’autre, grâce à la décentration : je ne ressens pas moi-même ces émotions, car elles ne m’appartiennent pas. Il n’y a donc pas de contagion émotionnelle en empathie.
Néanmoins, c’est ce que la majorité de personnes craignent, et notamment celles qui se qualifient elles-mêmes d’hypersensible. En faisant preuve d’empathie, il s’agit d’éviter de confondre sa place avec celle d’autrui ; il y a une distinction à faire entre soi et l’autre, afin d’empêcher les phénomènes de résonance affective. Jean Decety parle d’une « simulation mentale de la subjectivité d'autrui »[1].

Le risque d’une trop forte identification à l’autre est de nier sa singularité en s’appropriant ses affects et de ressentir, in fine, une fatigue empathique. Lorsque la reconnaissance des émotions de l’autre est plus profonde, elle permet d’établir un lien plus fort, mais il est alors possible d’entrer en résonance affective avec autrui. La « théorie de l’esprit » [2] permet de ne pas confondre ce que l’on ressent avec ce que l’autre ressent : être conscient des émotions éprouvées par l’autre tout en gardant ses propres affects, c’est le partage émotionnel empathique. Faire preuve d’empathie c’est donc essayer de comprendre l’expérience subjective de l’autre en nous représentant ce qu’il ressent : la tristesse de l’autre n’est pas ma tristesse, mais j’ai la capacité de la comprendre.

Selon Serge Tisseron, il faut distinguer trois composantes de l’empathie pour autrui, qui se développent depuis l’enfance : l’empathie émotionnelle (identifier les états affectifs de l‘autre), l’empathie cognitive (comprendre, intellectualiser les états mentaux de l‘autre en les distinguant des siens) et l’empathie mature, qui est la combinaison des deux (comprendre et se mettre à la place de l’autre sans perdre sa subjectivité) [3].

Idéalisée, prônée, érigée comme qualité, au même titre que la bienveillance, l’empathie semble aujourd’hui le leitmotiv de nombreuses relations sociales privées ou professionnelles. Si l’empathie peut permettre d’offrir un soutien, de l’aide, son usage peut se faire à des fins sadiques, préjudiciables pour autrui, quand on s’en sert à des fins de manipulation (notamment par le « gaslighting » [4]). Ainsi, les psychopathes présentent une forte empathie cognitive et sont capables de faire preuve d’empathie émotionnelle, s’ils le décident et contrairement aux idées reçues.

L’empathie est donc protéiforme, à la fois positive et négative et n’est pas gage de moralité. C’est une aptitude que l’on doit faire dialoguer avec la morale et la justice.

Derrière une situation d’évitement de la souffrance de l’autre, il peut y avoir l’empathie. C’est parce que nous percevons la détresse d’autrui que, pour s’en protéger (et éviter le stress empathique), nous nous en éloignons.
Il s’agit de doser l’empathie et de se demander dans quelles situations elle peut être utile, et dans quels buts ? La faculté d’empathie est donc ambivalente. Ni bonne, ni mauvaise, c’est une capacité qu’il faut apprendre à gérer : elle est ce que l’on décide d’en faire.

La sympathie-BO-DEVELOPPEMENT
Qu’est-ce que la sympathie ?

Définition de la sympathie : partage des émotions et préoccupation pour autrui, elle implique une proximité affective en plus de la capacité de représentation de ses états mentaux.

Nous prêtons différents sens au mot sympathie. Il y a une subtile différence entre l’empathie et la sympathie. Cette dernière peut être liée à l’usage de l’empathie mais pas systématiquement.

Selon Lauren Wispé, « Être en sympathie avec l’autre consiste à se soucier de son bien-être » [5]. Cette préoccupation pour autrui est liée à une plus grande implication émotionnelle que dans l’empathie ; l’investissement est plus grand : il y a du soutien et un intérêt qui va au-delà d’une posture empathique.

La distance émotionnelle entre l’autre et soi est moindre en ce qu’il y a une forme de communion entre les états émotionnels de l’autre et les siens : on est en accord avec ce qu’il ressent, ses bonheurs comme ses malheurs. Il y a un jugement moral lié à la sympathie : j’approuve le sentiment que ressent l’autre. Faire preuve de sympathie renvoie à une forme d’union des états émotionnels : « la sympathie est un mode de rencontre avec autrui » [6].

Compassion-BO DEVELOPPEMENT
Qu’est-ce que la compassion ?

Définition de la sympathie : perception de la souffrance d’autrui, et volonté de soulager l’autre de ses maux.

La compassion peut être abordée sur les versants philosophique et spirituel, mais nous ne l’aborderons ici qu’en lien avec la psychologie. 

Le préalable du sentiment de compassion serait la capacité à faire preuve d’empathie et la dimension proactive de la compassion serait sa spécificité. Il ne s’agit pas, comme pour l’empathie, de ne faire preuve que d’une capacité de représentation de la souffrance d’autrui, mais de faire preuve également d’un engagement dans l’apaisement de la souffrance de l’autre, de sollicitude : je comprends sa souffrance et j’entreprends de l’aider. Cet affect implique une responsabilité dans la réponse donnée à la souffrance de l’autre.

Ainsi, il y a une dimension morale et proactive de la compassion, dans le sens ou, de l’émotion, je passe à l’action : sans être dans l’identification totale à l’autre, sans faire preuve de pitié, en faisant appel à mon empathie, je cherche à apporter mon aide, à soulager la souffrance de l’autre, sans pour autant l’éprouver.

Faire preuve de compassion implique donc de maintenir une distance avec les émotions de l’autre afin de permettre le développement d’un élan mobilisateur et positif pour l’aider, d’orienter ses efforts vers l’allégement de ses maux. Pour pouvoir faire preuve de justesse dans l’engagement compassionnel, il faut avoir conscience de ses propres limites, afin de de ne pas épuiser ses ressources.

Pour conclure…
Empathie, sympathie et compassion ne se laissent pas aisément définir. En fonction des disciplines et des auteurs, les descriptions de ces concepts fluctuent. Bien qu’ils ne veuillent pas dire la même chose, ces processus ont pour point commun de renvoyer à un mode de relation à l’autre (reconnu comme altérité) et à soi-même, ainsi qu’à une forme d’engagement émotionnel. À cet égard, ils sont tous trois créateurs de lien et ont une valeur sociale propre.

S’il est difficile de circonscrire leurs définitions, mieux comprendre leur signification favorise la compréhension de ce que l'on ressent.

L'accomapgnement bo développement

Si vous ressentez le besoin de vous faire accompagner dans la compréhension et l’accueil de vos émotions et de celles de l’autre (intelligence émotionnelle), ou d’effectuer un travail sur votre relation à l’autre et/ou à vous-même, BO DÉVELOPPEMENT peut vous accompagner en individuel, en thérapie de couple, et/ou vous proposer des formations sur ces thèmatiques.

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Decety, J. 2004. L’empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivité d’autrui ?. In A. Berthoz et G. Jorland dir., L’Empathie, Paris, Odile Jacob, pp. 51-88.
[2] Théorie de l’esprit : Ce terme a été introduit en 1978 pour la première fois dans le domaine des sciences cognitives par les éthologues David Premack et Guy Woodruff. Il désigne la capacité mentale qui permet à l’individu d’attribuer des états mentaux inobservables aux autres individus, de les prédire, de les anticiper et de les interpréter grâce à la mobilisation des connaissances des règles qui régissent les interactions sociales. A ne pas confondre avec l’empathie en ce que la théorie de l’esprit est de l’ordre du processus cognitif et ne dispose pas d’un versant affectif en tant que tel.
[3] Tisseron, S. & Lanchon, A. (2017). Les dérives de l’empathie. L'école des parents, 623, 7-11.
[4] Gaslighting : forme de manipulation de l’autre par laquelle la victime se met à douter de sa perception de la réalité jusqu’à perdre confiance et estime d’elle-même. Ce procédé est intentionnel, subtil, insidieux et progressif. L’empathie est alors utilisée par le manipulateur pour mener à bien son projet de subversion de la victime.